La politique africaine de François Hollande
L’impression donnée par l’impuissance du Président de la République quant à l’intervention en Syrie fut assez désastreuse, et pourtant, il avait su, auparavant, prendre rapidement des décisions utiles et dans le cadre d’un certain consensus (précisément le consensus qui manque dans le cas d’une action en Syrie). La clef est ici le rôle joué par les organisations africaines elles-mêmes et la souveraineté de leurs décisions, la France respectant cette souveraineté et concourant au maintien de la paix en intervenant dans une étroite coopération avec ces organisations. Deux exemples récents l’illustrent : l’intervention au Mali, et les efforts pour faire prendre conscience de la situation en Centrafrique.
On se souvient que la France n’était pas seule sur le théâtre du Mali. Aussitôt l’opération « Serval » lancée, le Tchad d’Idriss Déby envoyait l’Armée Nationale Tchadienne à l’assaut du terrorisme, et la MISMA (Mission Internationale de Soutien au Mali) faisait de même, dont on rappelle qu’elle était conduite par la Cédéao, l’organisation intergouvernementale ouest-africaine. Les conditions pour la bonne gestion d’une crise extrêmement dangereuse étaient réunies : intervention française, certes, mais dans une coopération avec des forces militaires coordonnées dans le cadre d’une organisation intergouvernementale africaine, dont le Mali était membre. Près de 8000 militaires étaient ainsi déployées côté africain, sans compter les forces tchadiennes : MISMA, Tchad, mais aussi Burundi, Kenya, et… France, une constellation efficace et coordonnée qui a permis de repousser, au moins temporairement, les menaces qui pesaient sur le Mali dont le nord était ébranlé par l’islamisme, et qui a su venir, au bon moment, à l’aide d’une armée débordée, affaiblie, incapable de tenir tête à la rébellion. Certes, l’armée tchadienne a payé un lourd tribut dans le conflit ; la situation malienne est encore loin de la stabilité, et quelques inquiétudes demeurent concernant les projets politiques et les intentions d’Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK »), le nouveau président malien. Mais enfin, il est tout aussi indéniable que la réaction fut rapide, relativement coordonnée, et qu’on a vu l’Afrique elle-même jouer un rôle central, comme elle a su le faire, non sans heurts et péripéties, dans le conflit centrafricain dont les turpitudes continuent de plus belle. Tout ce que l’on peut espérer est que cela inaugure des rapports de confiance avec le Mali, économiquement, politiquement mais aussi culturellement.
François Hollande a peut-être montré ici que la France pouvait intervenir sans outrepasser ses prérogatives, et sans prêter le flanc à l’accusation d’intentions néocoloniales. Il a su anticiper sur l’action africaine elle-même en répondant à l’appel du Mali, et est parvenu à s’intégrer à l’effort de guerre de l’Afrique qui a montré dans ce conflit une réactivité et une solidarité tout à fait impressionnantes. De même, on peut noter les propos du Président de la République sur la situation actuelle dramatique en Centrafrique, lors de son intervention le 19 septembre à Bamako : soulignant qu’on ne pouvait rester « sur la réserve » lorsque les vies humaines sont à ce point en jeu, il a souligné que les Français « auraient sans doute à être davantage présents », mais non pas en électrons libres ; bien plutôt, il s’est flatté d’essayer de faire en sorte que « dès l’Assemblée des Nations unies, l’on puisse donner le cadre juridique pour permettre à cette force africaine d’avoir l’ampleur nécessaire ». Loin d’une politique va-t-en-guerre comme celle qui a vu l’intervention en Lybie ou qui a failli voir celle en Syrie, François Hollande a rappelé le rôle essentiel des institutions internationales, et notamment des organisations africaines – et c’est une chose importante que d’encourager les moyens d’action des forces panafricaines dans ce qui peut bien constituer l’urgence humanitaire absolue, en Centrafrique, certes loin des bruyantes préoccupations syriennes, mais non moins dramatique. D’ailleurs, l’effort de la France auprès de l’ONU pour déclencher une prise de conscience concernant la gravité de la situation est allé dans ce sens : elle a en effet déposé un texte de projet de résolution pour encourager l’action panafricaine et organiser le retour à l’ordre avec le gouvernement de transition (ce texte a été pour la première fois examiné le 3 octobre dernier par les Nations unies).
Le contraste avec les atermoiements syriens est saisissant. Sans précipitation, sans obsession maladive pour l’ingérence, François Hollande s’engage désormais à mobiliser la communauté internationale sur la situation en Centrafrique. La tenue du « Sommet de l’Elysée sur la paix et la Sécurité en Afrique », les 6 et 7 décembre prochains, à l’initiative du Président de la République, est encore un signe de cette lucidité. Il reste à espérer que les questions essentielles sur les relations entre les deux continents seront posées, et qu’il verra notre pays prendre conscience de l’intérêt d’investir massivement en Afrique centrale, qui est la région la plus prometteuse et la plus riche d’avenir du monde – ce que Chine et Russie, par exemple, ont bien compris. Entrons dans l’ère du dialogue et du partenariat avec l’Afrique centrale !