Rio + 20 : une conférence de l’ONU réunissant les chefs d’Etat et la société civile du monde entier
Le développement durable est devenu une tarte à la crème de la politique, mais aussi de la communication d’entreprise, des études supérieures et des sciences humaines : jamais il n’en a été autant question depuis 10 ans, et pourtant on en parle encore comme d’un but non atteint, et non pas comme un acquis dont nous serions fiers. Cette logomanie est peut-être l’aveu d’impuissance devant une réalité économique qui impose quotidiennement son agenda. En effet, il y a d’un côté les promesses et les pétitions, de l’autre l’efficacité et la compétition. Et la sous-estimation du courant écologique dans la course à la présidentielle ne doit peut-être pas être interprétée comme une démission des électeurs, mais plutôt par le fait que les Français ont plus que jamais conscience de la nécessité d’une politique écologique globale, incluse dans un programme politique plus vaste : contre une écologie révolutionnaire, mais pour une politique de développement durable adaptée à la situation politique, économique et sociale, qui d’abord s’inscrit dans situation mondiale inédite.
Comment faire en sorte que le développement durable demeure une exigence, surtout en ces temps troublés par la crise qui exige une pleine mobilisation des forces politiques ? En argumentant dans le sens d’un développement durable compatible avec les exigences du marché, voire porteur de solutions originales, non pas miraculeuses, mais pertinentes et réalistes. Cependant, ne remarque-t-on pas jusque là l’absence des questions de développement durable dans les débats de la campagne présidentielle ? il y a loin du temps où les candidats venaient signer le « pacte écologique » de Nicolas Hulot ! Nous revenons à des clivages bien connus, largement économiques, entre une gauche anti-libérale et « capitalo-sceptique » et une droite libérale très modérée (crise oblige…) et qui compense par un conservatisme revigoré. Le développement durable, que je pourrais définir comme la dimension pragmatique de l’écologie, n’est évoqué qu’avec peu d’entrain (lorsqu’elle l’est !).
Comment reparler du développement durable en cette campagne ? comment évoquer à nouveau une écologie responsable, consciente des enjeux écologiques de la mondialisation sans toutefois transiger avec les exigences écologiques fondamentales ? C’est tout le programme, certes ambitieux, de la Conférence internationale Rio + 20 à Rio de Janeiro, du 20 au 22 juin 2012, précédée par 3 ou 4 journées d’expression pour la société civile. Les Etats membres se sont entendus sur 2 grands thèmes qui feront l’objet de contributions écrites des Etats membres, des programmes des Nations unies, mais aussi de la société civile : 1) « L’économie verte dans le contexte du développement durable et de l’éradication de la pauvreté ; 2) « un cadre institutionnel pour le développement durable ».
D’emblée, on remarque que cette conférence place l’écologie sous le signe de la faisabilité, du concret et du réalisme, loin des seules et inutiles pétitions de principe : les domaines prioritaires l’indiquent assez : 1) Lutte contre la pauvreté, notamment par le biais d'emplois verts et la promotion de l'inclusion sociale ; 2) La promotion de la sécurité alimentaire et l'agriculture durable ; 3) La gestion rationnelle de l'eau ; 4) L'accès à l'énergie, y compris à partir de sources renouvelables, ainsi que l'efficacité et la durabilité ; 5) Des établissements humains durables ; 6) La gestion des océans ; 7) L'amélioration de la résilience et de la préparation face aux catastrophes. C’est dans le cadre d’une économie mondialisée et d’institutions gouvernementales et intergouvernementales spécifiques qu’un développement durable plausible, réaliste et humain peut trouver ses déclinaisons les plus concrètes. Peut-être parviendra-t-on à montrer comment la « durabilité » peut être un atout majeur pour l’économie mondialisée.
Ce qui m’a poussé à faire de l’Institut Robert Schuman pour l’Europe dont je suis la Déléguée à la culture et au mécénat un partenaire actif du « Club France Rio + 20 », c’est la place accordée à la « société civile », que nous représentons selon des orientations européennes et culturelles en tant qu’OING membre de la Conférence du Conseil de l’Europe. Car c’est là selon moi un outil de décision à la fois très informé et tourné vers les préoccupations des acteurs de la société civile, légitimité indispensable à toute décision politique digne de ce nom. Je sais combien il est important de rejoindre les réseaux du secteur associatif, des collectivités et des entreprises qui s’engagent avec le « Club France RIO+20 », de façon inédite et collégiale pour que RIO+20 apporte un nouveau souffle pour la planète. J’ai vu assez combien ce qu’une conférence, si modeste fût-elle, pouvait avoir d’impact sur la discussion et le dialogue. Je crois réelles les chances pour la société civile de se faire entendre à l’occasion de Rio + 20. L’atteste aussi le « collectif Rio + 20 » qui réunit, depuis 2010 ONG et syndicats autour de la préparation de la conférence , sur le terrain, auprès des Français : l’idée qui domine, c’est qu’une économie plus juste, moins assujettie à la finance, c’est aussi une planète mieux préservée, car alors les Etats, en perpétuel dialogue les uns avec les autres, veilleraient avec cohérence sur l’équité d’un système qui ne cesse depuis le début de la crise de montrer ses failles. C’est bien au niveau international, c’est-à-dire en cherchant une cohérence globale, que des mesures restrictives et régulatoires peuvent véritablement porter et espérer une certaine efficacité. Les OING, organisations internationales non gouvernementales, comme l’Institut Robert Schuman, sont des moyens de faire prendre conscience d’un destin commun des peuples, et ainsi de faire accepter à un gouvernement brésilien d’abord réticent la nécessité d’un organisme onusien dédié exclusivement au développement durable.
L’Europe doit être le fer de lance de cette initiative, et on ne peut que se réjouir que Nathalie Kosciusko-Morizet, ait souligné lors de la Conférence de Paris le 31 janvier dernier sur Rio + 20, comme l’avaient fait aussi Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin (qui est l’un des responsables politiques les plus impliqués dans ces préparatifs), la nécessité du développement durable et de la « solidarité entre les nations » pour « sortir de la crise », avec notamment la création d’une « Organisation Mondiale de l’Environnement » portée d’abord par la France, l’Europe et de nombreux pays en développement : au lieu de plus de 500 conventions et accords multilatéraux, un organisme suffisamment puissant pour œuvrer dans l’unité à la durabilité, qui est aujourd’hui plus qu’hier un enjeu économique majeur (http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2012-01-31_-_Vers_une_nouvelle_gouvernance_mondiale_de_l_environnement.pdf).
Bref : à l’Europe de jouer son rôle – mais aussi, aux ONG de peser dans ce processus pour donner toute sa légitimité à ce genre de grandes rencontres qui trop souvent donnent l’impression de se dérouler loin de toute aspiration populaire, et sans conséquences politiques et économiques réelles. Ce qui est vrai pour le processus européen dans son ensemble (cf. mes précédents papiers) l’est aussi au niveau international :c’est seulement avec la complicité des peuples que les véritables changements peuvent trouver une base solide. Alors, l’implication de la société civile est d’autant plus essentielle.