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Législatives : le casse-tête du renouvellement


Malgré les départs d’élus sortants, les partis traditionnels peinent à renouveler en profondeur les profils de leurs candidats. Chez « 577 pour la France », le parti du centriste Jean-Christophe Fromantin, et surtout au sein d’En marche !, on croule au contraire sous les dossiers de personnes issues de la société civile.


Le « dégagisme » ambiant s’appliquera-t-il aux législatives ? À la faveur du climat actuel de défiance, les électeurs pourraient avoir envie de donner un coup de balai en juin prochain, comme ils sont en train de le faire pour la présidentielle. Il est donc de l’intérêt des partis de faire preuve de renouvellement dans leurs candidatures. Et ils partent de loin ! Sur les bancs de l’hémicycle, dominent très largement des profils souvent blancs, masculins, de plus de 50 ans et issus de catégories supérieures. Comme le rappelle avec justesse Hélène Bekmezian, auteure de J’irai dormir à l’Assemblée (Grasset), les profils de la législature qui s’achève, comme celui de Michel Pouzol, passé « du RMI à l’Assemblée », sont exceptionnels. « Seulement 2 % des députés étaient de simples salariés, quand cette catégorie représente la moitié de la population active, précise la rédactrice en chef adjointe au Monde.fr. À l’inverse, 80 % avaient un statut de cadre ou de profession supérieure, un statut qui concerne 16 % de la population active et 50 % étaient issus du secteur public, deux fois plus que la part de cette catégorie dans la population active. »


Alors que la liste définitive des candidatures doit être bouclée d’ici fin mars, au Parti socialiste, on assure, la main sur le cœur, que la diversité et le changement seront à l’ordre du jour en juin prochain. Déjà pour des raisons mécaniques : plus d’un tiers des députés ne se représenteront pas, à cause de la loi sur le non- cumul et de l’âge. Toute une génération de ténors va ainsi tirer sa révérence : les ministres Ségolène Royal, Michel Sapin, Jean-Marc Ayrault, Bernard Cazeneuve, et le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone. « L’effet génération sera réel. À l’exception de Gérard Bapt [sur les bancs depuis 1978, NDLR], plus aucun député élu avant 1988 ne siégera. Et il n’y en aura pas beaucoup de 1988. Même parmi ceux qui sont arrivés à l’Assemblée en 1997, beaucoup passent la main », assure le député Christophe Borgel, le monsieur élections de la rue de Solferino. Le parti, qui a du mal à se rassembler derrière son candidat Benoît Hamon, dit aussi avoir fourni des efforts quant à la diversité sociale. À voir. Quand on y regarde de plus près, les profils d’ouvriers ou issus des classes populaires se comptent sur les doigts d’une main. « La parité entre hommes et femmes, on y sera », ajoute enfin Christophe Borgel. C’est au moins un acquis.


Chez Les Républicains, des changements de tête auront aussi lieu. En partie pour les mêmes raisons qu’au PS. Un quart des sortants entend renoncer à briguer un nouveau mandat. Du jamais vu à droite. Ce mouvement de départs permet de faire de la place à des nouveaux venus. Alors que le Penelopegate et les bruits de casserole focalisaient l’attention, la commission nationale d’investiture a sorti, le 14 janvier, une première liste de candidats investis. Ont ainsi été désignés de nombreux trentenaires et quadras comme les juppéistes Maël de Calan, Gilles Boyer, l’ancien directeur de campagne dumaire de Bordeaux, mais aussi Valérie Montandon, Jean Spiri et les militants de Sens commun Anne Lorne, Maxence Henry, Charles d’Anjou, Sébastien Pilard et Hayette Hamidi, récompensés pour le ralliement de leur mouvement à Fillon. Mais ces nouvelles têtes sont loin d’être majoritaires. La parité ne sera pas non plus respectée, et l’étiquette vieux parti qui colle désormais aux Républicains pourrait être pénalisante. C’est avec l’accord bouclé avec l’UDI, après la suspension de son soutien à la campagne de François Fillon que la droite doit afficher un visage nouveau : plus de la moitié du groupe centriste doit être renouvelée, à quelques évolutions près. Le 14 mars, l’UDI a obtenu 92  circonscriptions avec 28  députés sortants. Une quarantaine serait gagnable.


Après avoir claqué la porte de l’UDI après les régionales de 2015, Jean-Christophe Fromantin a opté pour la radicalité. Il est le premier à vouloir expérimenter des candidatures anti­système. Son initiative 577 pour la France vise à faire émerger 577 candidatures en dehors des structures partisanes. « Il faut repartir d’en bas, des territoires. La confiance envers le politique y existe encore. À ce niveau, c’est aussi la France active et entrepreneuse qui s’exprime », assure le député-maire de Neuilly. Depuis qu’il a lancé son projet 577 pour la France, Jean-Christophe Fromantin a reçu plus de 1 000 demandes de candidature. « Il en arrive entre 5 et 7 par semaine », se réjouit le député du 92. Plus de 120 ont été retenues ou sont sur la voie de l’être et 60 personnes font déjà campagne. Une deuxième convention rassemblant les futurs prétendants doit se tenir le 18 mars. Mais n’est pas candidat qui veut. « Les postulants doivent construire leur candidature, insiste Jean-Christophe Fromantin. Nous leur demandons d’avoir 100 soutiens et 4 000 euros de promesse de dons. C’est la première garantie pour que leur profil imprime. » Ils doivent aussi adhérer à un corpus d’idées organisées autour de la revalorisation des territoires, l’entreprenariat, l’appui sur la société mais aussi un ensemble de valeurs axées autour de l’intégrité. Un positionnement mis à mal par la mise en examen de François Fillon, dans le cadre de l’emploi fictif présumé de son épouse. Jean-Christophe Fromantin a, en effet, donné la couleur dès le départ : les députés de 577 pour la France scelleraient une alliance de majorité avec l’ancien Premier ministre. Les ennuis judiciaires du candidat des Républicains n’ont jamais modifié la donne : « Il n’y pas de changement compte tenu de la présomption d’innocence, de l’absence d’alternative et du travail de fond réalisé par François Fillon qui offre un vrai socle de propositions », affirme l’élu de Neuilly.



Parmi les nouveaux profils, des journalistes, des chefs d’entreprise, des experts-­comptables, des avocats… Certains se sont déjà frottés au monde de la politique. Florence Gabay, candidate à Paris, qui se qualifie de « génération Y », est vice-présidente de la fondation Robert Schuman pour l’Europe et a travaillé pour Alain Juppé. Marc Lelandais, qui se présente dans l’Indre-et-Loire, a travaillé avec Raymond Barre et été assistant parlementaire de 1989 à 1993 avant d’embrasser une carrière de chef d’entreprise. « Le virus de la politique m’a repiqué à la faveur des circonstances », confie-t-il. Delphine Benin, qui bat le pavé dans le 7e arrondissement, « fait de la politique sur le terrain », par l’inter­médiaire de sa présidence à la tête d’une association indépendante de parents d’élèves. Elle entend mettre son énergie et son imagination pour l’emporter. Un vrai défi, lorsqu’on doit affronter Nathalie Kosciusko-Morizet et vraisemblablement un candidat d’En marche !


Le 19 janvier, Emmanuel Macron a lancé un appel à s’inscrire en ligne à tous ceux qui voulaient le rejoindre pour former sa majorité. Comme Jean-Christophe Fromantin, le leader d’En marche veut promouvoir les profils issus de la société civile. Mais la dynamique est largement décuplée. Plus de 8 000 candidatures ont été envoyées par Internet au QG du candidat. « Nous aurions pu craindre un afflux d’anciens parlementaires. Ce n’est pas le cas. Les primo-­arrivants sont plus nombreux », se réjouit un cadre d’En marche. « C’est la première fois et peut-être la seule où tout le monde peut tenter sa chance », note Laetitia Avia, avocate et référente du 94. Si le nombre de dossiers « sérieux » apparaît conséquent, pour la parité, il faudra, en revanche, repasser. Et il aura fallu une réunion de coaching pour susciter des vocations et faire passer le nombre de candidatures féminines de 15 à 35 %.


Pour désigner les heureux élus, les règles sont simples et intangibles. La moitié des candidats investis seront des anciens députés de tous bords (socialistes radicaux, écologistes et républicains), l’autre moitié des nouveaux, issus de la société civile. Aucun accord d’appareil ne sera conclu. Cinq critères de sélection ont aussi été établis par Emmanuel Macron : renouvellement, parité, probité, pluralité politique et signature d’un « contrat avec la Nation » valant accord avec le projet. À moins de trois mois des échéances, quelques noms circulent comme celui du juge éric Halphen, rendu célèbre par l’affaire des HLM de Paris, et celui du mathématicien Cédric Villani, médaille Fields 2010. Quelques candidatures sont aussi quasiment acquises, comme celle du député et secrétaire général Richard Ferrand, même s’il devra se plier à la même procédure que les autres. Mais il faudra attendre le lendemain du premier tour pour connaître les candidats véritablement investis. « Le processus est long », observe le sénateur macroniste François Patriat. En effet, face à la masse des candidatures, comment être sûr de dénicher le bon profil ? C’est la mission ardue qui incombe à la commission d’investiture constituée de 12 membres et pilotée par Jean-Paul Delevoye, ancien président du Conseil économique, social et environnemental.


« Sa nomination a été saluée par les élus de droite. Ils y ont vu une porte d’entrée qui leur faisait jusqu’ici défaut », fait remarquer un cadre LR de l’Assemblée nationale. Jean-Paul Delevoye mesure l’ampleur de la tâche. Il estime que plus de cent heures de travail seront nécessaires pour trier le bon grain de l’ivraie. « Nous allons créer la jurisprudence en marchant », souligne Catherine Barbaroux, déléguée nationale du mouvement et membre de la commission. L’équipe entend s’appuyer sur les référents de terrain pour mieux apprécier l’aura locale de l’aspirant et repérer la part éventuelle d’opportunisme. « Il faut faire attention à ce que la fonction élective ne se transforme pas en un faire-valoir pour l’activité pro­fessionnelle du candidat », souligne Catherine Barbaroux. En Marche sera aussi vigilant sur l’émergence rapide de comités de soutien locaux de candidats, qui pourraient être des instruments d’auto-promotion cachés.


Si les prétendants doivent envoyer une lettre de motivation et un CV, comme s’ils postulaient pour un emploi dans le privé, certains essaient de biaiser en contactant directement un élu macroniste. « J’ai vu le nombre de mes amis croître considérablement en quelques jours », s’amuse le sénateur François Patriat. Mais la maison se montre intraitable. « Il n’est pas interdit de communiquer avec les candidats. Mais en cas de proximité établie, nous devons nous abstenir au moment du vote », souligne Laetitia Avia, qui épluche les dossiers avec Jean-Paul Delevoye. Elle raconte comment elle teste la motivation des postulants : « Je leur explique qu’il s’agit d’un boulot à plein temps. Parce qu’ils voient à la télé des hémicycles vides, ils croient qu’ils pourront continuer à travailler. » La sélection des marcheurs s’annonce particulièrement délicate. Beaucoup ont repris goût à la politique en s’inscrivant dans un comité local. « Ils se sont mobilisés autour d’idées et ont mené des actions militantes. Ils n’ont plus envie de s’arrêter », fait remarquer Catherine Barbaroux. Mais tous ne seront pas sur la ligne de départ. Il y aura une forêt de déçus. Les vieux routiers d’En Marche en sont conscients. « Il fau­dra faire preuve de cocooning avec les recalés », pronostique François Patriat. Un art, cette fois, mieux maîtrisé par les vieux partis.

Avec quelle majorité gouvernera le futur Président ?


« L’élection d’Emmanuel Macron sera un tel choc historique qu’une vraie énergie sera dégagée au moment des législatives et lui permettra de dégager une majorité », veut croire un des proches de l’ancien ministre de l’Économie. Lors de la présentation de son programme, Emmanuel Macron s’est montré plus lucide que son entourage. « Personne ne peut prétendre avoir une majorité sur la base de son seul parti ou mouvement. Il faudra créer des majorités de projet. » La question de savoir si le gagnant de l’élection pourra compter sur un nombre suffisant de députés sous ses couleurs pour gouverner se pose à tous les prétendants, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon. Pour le socialiste Christophe Borgel, la situation inédite telle que nous la vivons va se poursuivre en juin : « Avec le tripartisme, voire le quadripartisme, la force politique fusse-t-elle nouvelle, aura peu de chances de retrouver le score de son candidat. » Aurélie Filippetti de surenchérir, en marge d’une conférence de presse organisée par l’institut de sondage Ifop : « Je ne crois plus en l’automaticité entre le vote à la présidentielle et les législatives, ce qui représente un risque pour la stabilité du gouvernement. Cela rend nécessaire une coalition de circonstances. »


Pour dépasser les difficultés en vue, le député en charge des élections au PS en appelle à l’intelligence des socialistes, écologistes et macronistes : « Un candidat progressiste doit être possible. Sinon on va au tapis face à la droite et au FN. » À droite et au centre, la situation n’est pas plus simple. L’affaire Fillon laisse des traces entre les Républicains et l’UDI. Si l’exécutif du centre devait redonner sa confiance à François Fillon, bien des militants, à la base, se laissent tenter par le charme d’Emmanuel Macron. Un temps sollicité par les membres de l’UDI pour être leur candidat, Jean-Louis Borloo s’interrogeait d’ailleurs dans les colonnes du Monde : « Y a-t-il une majorité possible et laquelle ? Peut-on encore dire aujourd’hui que c’est la droite et le centre ? À bien des égards, ça me semble difficile. »

 

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