Florence Gabay, l’Afrique Subsaharienne : les défis d’aujourd’hui et de demain
L’Afrique. On parle de l’Afrique comme l’on parlerait de la France, de la Chine, ou de l’Australie, en somme comme l’on parle d’un pays. C’est aujourd’hui le seul continent dont on parle en faisant des généralités, c’est le seul continent dont l’on nie les spécificités de chacun des pays qui le composent.
Étrangement quand l’on parle de l’Afrique, on entend l’Afrique noire, l’Afrique subsaharienne, en niant l’appartenance du Maghreb sur le continent africain. L’Afrique subsaharienne est la partie du continent qui se situe au sud de la frontière naturelle du Sahara. Dans son entière acceptation géographique, l’Afrique c’est 54 pays, 2 000 langues vivantes, plus d’1,2 milliard d’habitants, pour autant de différences culturelles.
Néanmoins, il ne faut pas réfuter les différences entre les pays au Nord du Sahara, et le reste du continent africain, et je ne m’y risquerais pas. Pour la poursuite de cette explication, je m’attacherai donc, aux 48 pays qui composent l’Afrique subsaharienne.
L’Afrique subsaharienne est belle dans sa diversité. Elle ne doit plus se conjuguer au singulier, tout comme elle ne doit plus être définit par son passé colonial. L’Afrique, comme tous les continents, est le fruit de son passé. Cette histoire peut être une force pour la construction de son futur mais ne doit pas l’entraver. Elle est le berceau de l’humanité, elle sera le continent de demain.
Cette prédiction a toutes les chances de se réaliser, si l’Afrique, ses États et leurs dirigeants fond face aux défis qui se posent. L’Afrique est aujourd’hui traversée par une série de transitions qui la projettent résolument dans l’avenir.
La question démocratique est elle aussi, en bonne voie. Ces dernières années ont été marquées par des transitions démocratiques relativement réussies en Afrique, à l’instar de la transition à l’œuvre au Burkina Faso depuis le départ du pouvoir de Blaise Compaoré ou de la confirmation de la stabilisation en Guinée avec la réélection libre d’Alpha Condé. Dans d’autres, l’arrivée au pouvoir des partis d’opposition marque l’instauration d’un cycle d’alternance électorale, comme au Nigéria avec la victoire de Muhammadu Buhari en 2015 ou au Ghana avec celle de Nana Akufo-Addo en 2016. Certes, la démocratie a encore des progrès importants à réaliser. L’indice de démocratie développé par The Economist Group depuis 2006 le montre avec force : la zone Afrique subsaharienne y arrive avant-dernière avec une note de 4,37 sur 10, devant le Moyen-Orient, pour une moyenne mondiale de 5,52. En 2016, l’île Maurice (18e mondial), et le Cap Vert (23e ) se situent, en revanche, juste devant la France (24e ) à quasi égalité avec le Botswana. Le Tchad est, quant à lui, antépénultième du classement, se situant à la 165e place sur 167.
La démocratie doit aujourd’hui faire face à la population et à sa démographie. Le fait est connu, mais il mérite d’être rappelé tant il constitue l’un des fondements permettant une compréhension globale. Depuis les années 1950, la population a triplé, passant de plus de 180 millions à 1 milliard dans les années 2010, et devrait être portée à 3,6 milliards d’habitants en 2100, soit 35% de la population mondiale.
L’Afrique est un continent jeune. L’Afrique subsaharienne est composée pour 44% par des enfants compris entre 0 et 14 ans. Cette part devrait diminuer à moyen terme tout en se maintenant à des niveaux élevés : en 2050, les 0-14 ans devraient encore représenter 32 % de la population. Ainsi, la population en âge de travailler se maintiendra durablement en Afrique subsaharienne à des niveaux importants.
Le vieillissement de la population attendra encore plusieurs années avant d’être envisagé comme une problématique susceptible d’intéresser les politiques publiques. Les seniors demeureront marginaux encore longtemps, puisque les plus de 60 ans ne représenteront que 8% de la population en 2050, contre 22% en Europe.
Cette jeunesse représente un enjeu majeur dès à présent pour les États. En effet, dans les prochaines années, il faudra être en capacité de proposer une formation, un emploi, un logement, un système de protection sociale à ces populations jeunes, nombreuses et de plus en plus urbaines. A l’heure actuelle, les États n’investissent pas assez dans le capital humain.
L’accès à l’éducation de base, ainsi qu’à l’enseignement supérieur est limité, notamment faute de professeurs autant en quantité, qu’en qualité. Si la scolarisation des enfants au primaire a fortement progressé ces dernières années, pour dépasser 76 % de la population en 2010, les taux de scolarisation atteignent difficilement les 40% dans le secondaire et seulement 7% dans le supérieur. La qualité de la formation acquise est généralement faible et une partie de la population en est encore souvent exclue : les pauvres et les filles.
L’éducation est le moteur du développement futur d’un pays, il faut œuvrer dans ce sens. Néanmoins son accès est également limité par le manque d’infrastructures. Ce manque d’infrastructure constitue un goulet d’étranglement pour la croissance, et concerne autant les transports, la production énergétique, que l’éducation. Il est non seulement nécessaire d’investir davantage dans les infrastructures mais également d’en améliorer la qualité moyenne, alors que l’Afrique subsaharienne arrive en dernière position des régions en développement en termes de performance des infrastructures, tout en endiguant la corruption chronique et persistante qui touche la région.
Par ailleurs, le marché du travail formel et informel, n’est pas assez large pour proposer des emplois et des salaires correspondants aux jeunes éduqués. Dès à présent, certains diplômés de l’enseignement supérieur sont contraints d’accepter des emplois en-dessous de leur niveau de qualification, faute d’un marché du travail formel suffisamment profond pour leur offrir des perspectives. Le salariat reste en effet très peu développé en Afrique subsaharienne, de sorte que 16 % seulement des personnes en emploi sont salariées. L’inadéquation entre l’offre d’emplois qualifiés et la demande croissante de jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail est également un puissant vecteur d’émigration. La prédominance du marché informel est un frein pour le développement interne des États, qui doivent permettre un basculement à grande échelle dans le secteur formel, plus à même d’avoir des effets positifs sur le reste de l’économie, via l’emploi, l’accès aux financements, et aux réseaux d’échanges ou encore sur la fiscalité.
Ces bouleversements du système économique sont possibles en raison de la conjoncture globalement favorable depuis le début des années 2000. En effet, depuis maintenant 20 ans, l’Afrique subsaharienne est l’une des régions les plus dynamiques du monde, avec un PIB du pays très élevé, oscillant entre 3,4% et 7% ces dernières années. Toutefois, les chiffres nominaux de la croissance ne doivent pas occulter une progression nettement plus mesurée de la richesse par habitant. Les taux de croissance de la population demeurent les plus élevés du monde, empêchant toute progression significative du PIB par habitant.
Le retour de la France-Afrique est une opportunité pour la France, autant qu’une alternative pour l’Afrique a la Chine-Afrique. Le lien historique, et la partage de la Francophonie en font un défi actuel. La France est un partenaire commercial majeur de l’Afrique même si la concurrence internationale accrue a remis en question certaines de ses positions historiques. Néanmoins, la France est un investisseur majeur en Afrique en raison de l’implantation ancienne des entreprises françaises. En outre, la France peut utiliser son soft power afin de peser sur l’environnement des affaires. À ce titre, la francophonie est un levier indéniable. Si le partage d’une langue en commun ne fait pas tout, la proximité linguistique et culturelle est un élément facilitateur des affaires, même si son impact réel est difficile à mesurer. De plus, dans les pays francophones, le droit, le fonctionnement de l’administration et les règles qui encadrent les relations économiques sont très fortement inspirées du droit français. La Francophonie est une chance pour transcender l’histoire coloniale, vers un parallélisme d’intérêt et de partage entre deux continents : l’Afrique et l’Europe.