Florence Gabay s'exprime sur le livre Le Temps de l'Afrique, de Jean-Michel Severino et Oliv
Jean-Michel Severino a été conseiller technique du ministre de la coopération Jacques Pelletier, puis directeur du développement au Ministère français de la Coopération de 1989 à 1996. De 1996 à 2001, il occupa ensuite les postes de directeur pour l'Europe centrale puis de vice-président de la Banque Mondiale pour l'Asie. Il a ensuite dirigé l'Agence Française pour le Développement et est aujourd'hui directeur de recherches à la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI).
Avant de rejoindre l’AFD, Olivier Ray a travaillé pour le Département des Opérations de Maintien de la Paix de l’ONU, notamment dans le cadre d’interventions dans les pays en sortie de crise. Il a également travaillé pour le centre de recherche Security Council Report sur l’action du Conseil de Sécurité des Nations unies en matière de développement, de prévention des conflits et de reconstruction post-conflit – notamment en Côte d’Ivoire et au Burundi.
Place de l'ouvrage dans la vie des auteurs
Jean-Michel Severino publie Le Temps de l’Afrique juste après avoir quitté la direction de l’AFD en 2010. L’objectif de cet essai est de porter un regard nouveau sur l’Afrique, éloigné de la vision européenne passéiste qui considère le continent uniquement comme une région « meurtrie » par son passé colonial et ne donne aucune information sur les enjeux actuels du continent. Les auteurs ne prennent pas partie pour une vision particulièrement optimiste ou pessimiste de l’Afrique, ils appellent à prendre en compte l’Afrique comme un acteur économique et géopolitique de premier plan. Le développement africain est en effet également un enjeu de politique intérieure des pays développés et de gestion des flux migratoires à l’échelle mondiale. La connaissance de l’Afrique est aussi primordiale pour la compréhension du fonctionnement de l’économie mondiale (rôle de la Chine sur le continent, etc.). L’ouvrage vise donc à remédier à cette méconnaissance profonde que nous avons du continent africain.
Le Temps de l’Afrique est un essai de 396 pages, présentant les enjeux majeurs du continent africain aujourd’hui. Les deux premières parties de l’ouvrage se focalisent sur l’évolution démographique de l’Afrique et sur les enjeux migratoires qui y sont liés. La question de la croissance économique est traitée dans un second temps. Les auteurs développent ensuite les changements sociaux et politiques de l’Afrique. Une partie de l’ouvrage est consacrée aux modèles de développement suivis par différents pays africains. Les auteurs décrivent ensuite les défis écologiques et énergétiques que le continent doit surmonter. Enfin, la dernière partie de l’ouvrage est consacrée au rôle de l’Afrique sur la scène politique internationale
L'Afrique et sa relation avec les autres pays
Une nuance est à apporter dans le jugement que les auteurs portent sur les relations entre l'Afrique et certains pays. Là où ils considèrent que les Chinois ont à cœur de ne pas décevoir l'Afrique dans le cadre de partenariats stratégiques, il semblerait que les Africains tentent désormais de renégocier des contrats inégaux en faveur des Chinois qui parfois polluent à outrance et accaparent des gisements, notamment au Tchad (suspension des activités de la China National Petroleum Corporation) et au Niger. On passe ainsi d'une relation qui était malgré tout déséquilibrée à une résistance africaine qui s'organise pour mieux défendre ses intérêts.
D'un autre côté, la France, incluse dans l'ouvrage parmi les nations européennes qui ne savent pas tirer partie de la croissance africaine, a prouvé, avec l'opération Serval, que bien que ne désirant pas maintenir la Françafrique, elle pouvait intervenir en Afrique sans outrepasser ses prérogatives. Et selon Florence Gabay, vice présidente de l'Institut Robert Schuman pour l'Europe, « il n’y aurait rien de scandaleux à ce que cette collaboration militaire se transforme peu à peu, au fur et à mesure de la pacification du Mali, en une collaboration de développement et d’intérêts économiques. »